Quelle saison de légende, quelles hommes!
- Ilan Benoit
- 18 déc. 2021
- 5 min de lecture
Jusqu'au dernier tour ils se seront battus. Jusqu'au dernier Grand-Prix ils ont été à égalité. Jusqu'au dernier virage on ne connaissait pas le champion. Et celui-ci, quelle qu'aurait pu être l'issue de la course, l'aurait amplement mérité. L'un se battait pour entrer encore plus dans la légende, comme le pilote le plus titré de tous les temps (8, devant Schumacher), l'autre pour se faire un peu plus connaitre, entrer au panthéon du sport automobile. Amateur de F1 ou non, sachez que sur 22 courses, neuf mois, il n'y a eu que huit virages où le nom du champion était clair et net et celui-ci est Max Verstappen.

Le Néerlandais rate son départ et perd la tête au départ au profit de Lewis Hamilton. Sur ses pneus tendres, Verstappen est supposé être plus rapide que son rival. Profitant de l'aspiration sur la première longue ligne droite, il aborde le virage 6 avec plus de vitesse et freine très tard. Il atteint donc la corde du virage en tête, ce qui signifie que celui-ci lui ''appartient''. La Red Bull se déporte vers l'extérieur et la Mercedes, plutôt que de suivre, coupe le virage et ressort avec 1,5 seconde d'avance. Chose que personne ne semble vraiment comprendre: Hamilton n'est pas même prié de rendre sa position, alors qu'il a dépassé en quittant la piste. Sur ce circuit d'Abu Dhabi, Verstappen ne peut rivaliser en raison de son rythme insuffisant et ce même avec des pneus plus performants. Il tente logiquement l'undercut: il s'arrête au 12ème tour pour chausser des gommes dures et être, sur quelques tours, plus rapide et de cette manière, lorsque le Britannique passera à son tour aux stands, il perdra la tête de course. En résumé, la stratégie de Max est de partir en tendres et s'arrêter après une quinzaine de tours pour finir en dures, alors que Lewis prévoit, après vingt boucles en médiums, de terminer sur des durs également. Problème pour ce dernier au moment de l'arrêt de Verstappen: en attendant dix tours il perdrait du temps et se retrouverait derrière son rival. Bien sûr ses pneus serait plus rapide mais sur ce circuit, le plus important est la Track Position: mener physiquement, être devant, et non simplement virtuellement (en étant derrière, avoir de meilleurs pneus ne suffit pas forcément pour dépasser). Il doit donc couvrir la stratégie de Verstappen et s'arrête au 13ème, gardant donc la tête.


Après une vingtaine de tours, le n°44 de Mercedes rattrape un Sergio ''Checo'' Perez (Red Bull) volontairement laissé en piste pour le retenir. Le Mexicain utilise son énorme talent défensif pour faire perdre dix secondes en un tour à la flèche d'argent et, contrairement aux dires du Britannique, sans jamais le mettre en danger.
Max Verstappen s'arrête au 37ème tour pour chausser de nouvelles gommes dures en profitant d'une Voiture de sécurité virtuelle*. Il reste encore et toujours derrière Hamilton mais parvient à stabiliser l'écart autour de onze secondes.
*Lorsqu'un accident peut-être rapidement effacé, une VSC est déployée. La voiture de sécurité n'entre donc pas en piste mais les pilotes doivent ralentir de 40%. Un arrêt aux stands ne fait perdre qu'une dizaine de secondes au lieu de vingt: le rythme des concurrents restés en piste diminue, alors dans les stands la vitesse reste la même (60-80 km/h selon les circuits).
Lewis Hamilton s'apprête donc à remporter son huitième titre. Ce jeune qui était devenu vice-champion dès sa première saison (battant d'ailleurs Fernando Alonso ou Felipe Massa) avant de devenir l'un des maitres l'année suivante. Ce talent qui était en retrait derrière l'éclatant Sebastian Vettel (champion de 2010 à 2013 avec Red Bull) avant d'égaler (en termes de titres) son idole Ayrton Senna en 2015 (3), cette légende qui s'est adjugé quelques records comme celui du nombre de poles (103), de podiums (182), de victoires (103) et qui lors de la première saison Covid se hissa à la hauteur du Kaiser Michael Schumacher avec sept couronnes. Si son mérite sur cette saison divise, son talent et sa persévérance font l'unanimité et ces huit quatre tours ne sont qu'une formalité. Le public se lève devant la légende, ou serait-ce pour autre chose? Une Williams a heurté le mur au virage 14 et la FIA a fait sortir la voiture de sécurité. Le jeune Néerlandais profite donc de chausser des gommes tendres neuves et garde sa deuxième place. LH44 prie donc pour que la course ne soit pas relancée car il serait sacré. Un problème se pose pour la direction de course: on veut privilégier le spectacle mais cinq voitures (qui ont un tour de retard) sont intercalées entre les belligérants derrière la voiture de sécurité. Michael Masi (directeur de course, qui a donc le rôle d'arbitre) exploite un point du règlement que personne ne connait et demande à ces cinq monoplaces de se décaler. Coup de théâtre: la Safety Car rentre dans la voie des stands, à la fin du 57ème tour (sur 58) et laisse les deux monstres à leur combat: Hamilton en gommes dures de 44 boucles, contre Verstappen en durs neufs.

Ce dernier tour n'est, pour Verstappen, qu'une formalité. Il dépasse Lewis Hamilton au virage cinq et passe la ligne d'arrivée avec 1,5 seconde d'avance, devant des fans néerlandais en folie, des mécanicien euphoriques. Dès la fin de course Mercedes râle contre cette fin de course et la gestion de course de Michael Masi, mais en vain, la FIA refuse tous les recours des Flèches d'argent.
Celui qui portera le n°1 a toujours été détesté en piste, gardant une Fanbase (communauté) exceptionnelle. Récemment élu pilote le plus populaire par les fans 100% des amateurs belges et néerlandais (il possède la double-nationalité) le soutiennent partout dans le monde. Cette année nous avons pu voir une marée orange à Zandvoort (Amsterdam), Spa-Francorchamps (Ardennes belges), Spielberg (Autriche, terres de Red Bull) et surtout Abu Dhabi. Fils de pilote, il n'a pas eu une enfance des plus faciles avec un père se donnant corps et âmes pour en faire une bête de compétition, faisant de son enfant ce que Jos n'a pas réussi à devenir. Cela ne semble plus être un problème pour le jeune adulte qui reste très fier et reconnaissant envers son père.
Je n'ai pas compris ce qu'il s'est passé au départ. La voiture n'a pas accéléré et à patiner, j'ai vu Lewis me déborder à gauche. J'ai beaucoup appris cette saison, comme personne et comme pilote et j'ai su me relever de moments compliqués.
Max Verstappen
Si certaines rumeurs peu crédibles envoient Lewis Hamilton à la retraite, la saison 2022 pourrait nous offrir un nouveau duel plus que tendu mais l'immense révolution règlementaire pourrait voir une équipe chuter ou dominer allègrement.
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