Première victoire pour Carlos Sainz
- Ilan Benoit
- 4 juil. 2022
- 4 min de lecture
Il faut probablement remonter à Bakou (ou Djeddah) 2021 pour revivre une course si excitante que l'a été ce Grand-Prix de Grande Bretagne. Silverstone est l'un des derniers circuits historiques de ce championnat, l'un des lieux de la ''Sainte-trinité'' (les trois circuits indispensables à la F1, avec Monza et Monaco). Le tracé est un véritable billard, lisse et sans accro, où les maître mots sont vitesse et aéro. Le côté historique de temple de la course est accentué par le fait que cette ancienne base aérienne de la deuxième guerre mondiale fût l'hôte de la première course de Formule 1 le 13 mai 1950 (victoire de Guiseppe Farina, Alfa Romeo, qui sera titré cette année-là), et par la situation des usines des différentes écuries. Les ouvriers Aston Martin n'ont qu'à traverser la route pour rejoindre leur QG, Williams, Alpine, Haas, Mercedes et Red Bull sont dans un rayon de quarante kilomètres, et l'équipe McLaren doit parcourir 130km entre Silverstone et Woking; seules les équipes Ferrari (Maranello), AlphaTauri (Faenza) et Alfa Romeo Sauber (Hinwil, ZH) sont situées hors de l'Angleterre.
Dans une séance de qualifications bien arrosée, Carlos Sainz (Ferrari) s'est offert la toute première pole position de sa carrière (un dixième devant Verstappen et trois devant Leclerc). Dimanche, à l'abord du départ, Max Verstappen est inéluctablement favori de cette course, n'ayant devant lui qu'un Carlos Sainz souvent fébrile et ayant entre les mains une machine plus performante que la Ferrari.

Carlos Sainz recevant son premier trophée de pole position, des mains de la légende locale Nigell Mansell
Une fois les vingt bêtes lâchées, c'est le chaos au Royaume-Uni. Lorsque George Russell (Mercedes) se déporte sur la gauche de quelques petits centimètres, il se heurte à la roue avant droite de Pierre Gasly (AlphaTauri) et part en tête-à-queue, frappant la monoplace de Zhou Guanyu* (Alfa Romeo). Le Chinois est immédiatement envoyé à l'envers; sa monoplace se retourne, ralentit petit-à-petit dans le gravier puis s'y plante, heurtant le mur de pneu avant de se planter entre le grillage et ce mur, juste devant les spectateurs. Au même moment survient un autre incident: un freinage tardif de Sebastian Vettel (Aston Martin) envoie Alex Albon (Williams) dans le mur à 270 km/h qui, en revenant en milieu de piste, élimine George Russell et Yuki Tsunoda (AlphaTauri).
*En Chine, la nom de famille se place plutôt avant le prénom. Son prénom étant Guanyu, il dit accepter Zhou Guanyu ou Guanyu Zhou


Une fois la course interrompue et la remise en état de la piste terminée après une heure de drapeau rouge, les premières informations sortent; Zhou et Albon sont, miraculeusement, parfaitement indemnes et sorti du centre médical. Si l'importance et l'efficacité du halo (barre en titane placée devant la tête du pilote) n'étaient plus à démontrer, elles ont encore une fois été prouvée hier. Nous en avions déjà eu un bon exemple lorsque, quelques heures plus tôt, Denis Hauger (Formule 2) avait décollé sur un vibreur et atterri sur le cockpit de Roy Nissany. Sans ce halo, Zhou aurait été écrasé sous sa voiture à 250 km/h, et la voiture de Hauger aurait probablement emporté la tête de Nissany. Cette barre avait déjà sauvé de nombreuses vies; Romain Grosjean (sa voiture passe à travers la barrière), Charles Leclerc (une voiture est stoppée, au-dessus de sa tête, par le halo), Lewis Hamilton (la voiture de Verstappen tombe sur sa Mercedes et un pneu manque de décapiter Hamilton)...
Les pilotes n'ayant pas encore dépassé une certaine ligne au moment du drapeau rouge, le nouveau départ doit être donné dans l'ordre des qualifications et non dans celui qui était en vigueur à l'interruption; Sainz redémarre premier même s'il avait été dépassé par Verstappen au premier départ. Également pris dans l'accident d'Alexander Albon et Sebastian Vettel, Esteban Ocon (Alpine) a la chance de pouvoir reprendre l'épreuve grâce au travail acharné des ses mécanos pour remettre sa suspension en état. Lorsque le commentateur SkySports Martin Brundle prononcent pour la deuxième fois sa phrase légendaire ''It's lights out and away we go!!!'' (''Les lumières sont éteintes, on y va!!!''), Verstappen réalise à nouveau un excellent départ mais est poussé sur l'extérieur par Sainz, s'ensuit une bataille de haut vol dans les trois premiers virages entre chevaux et taureaux dont l'Ibère sortira vainqueur de l'Oranje. Le lieutenant Pérez s'incline, en 4ème place, derrière Leclerc, et non sans y laisser un morceau d'aileron.
Mais, même si l'on a déjà vécu la dose de suspense de tout un Grand-Prix de Russie ou d'Imola, seuls trois tours ont été couverts. Il suffit d'attendre sept boucles pour que Sainz craque aussitôt sous la pression et ne commette l'erreur ''qu'il ne fallait surtout pas commettre'' et ne cède la tête de course à Supermax Verstappen. Tranquillement installé devant, il n'y tient qu'une pauvre petite centaine de seconde et, dans l'enchainement Maggots-Beckets-Chappel* où Sainz lui avait tiré sa révérence, roule sur un débris. Son pneu perd rapidement en pression et l'oblige a rentrer dans la voie des stands. Une fois les pneus durs chaussés et les ennuis ''écartés'', il inquiète ses fans et ses ingénieurs: ''cette voiture est foutue à 100%''.
Après vingt autre tours de dispute entre les deux Charles (Leclerc et Carlos Sainz, pilotes Ferrari) pour savoir qui est le plus rapide doit être devant, les tensions sont exacerbées lorsque le bloc moteur d'Esteban Ocon part en fumée. La voiture de sécurité oblige les stratégistes de Ferrari, plus communément appelés ''clowns'', à changer leurs plans. C'est donc Sainz qui est rappelé pour chausser des pneus tendres; Leclerc est furax de se retrouver en troisième position sur de vieilles gommes à la relance de la course alors que son équipier est en tête sur des tendres neufs.
Puis arrivent en même temps sur le côté de nos écrans les inscriptions ''green flag'' et ''10 laps to go'' (drapeau vert/10 tous restants), place à la plus belle bataille que nous ait offert ce sport depuis plus de dix ans, un légendaire fight à sept voitures pour la première place, oui, c'est possible!
Un tous contre tous entre Lewis Hamilton, Max Verstappen, Sergio Pérez, Charles Leclerc, Carlos Sainz, Fernando Alonso et Lando Norris durant lequel les spectateurs n'ont, en quinze minutes, tout simplement aucun répit.
Pour la première fois de sa carrière et après 150 courses, Carlos Sainz Jr. sort vainqueur devant Pérez et un Hamilton qui ravit ses fans. Mick Schumacher termine enfin dans le Top 10 (première fois de sa carrière) devant son coéquipier Kevin Magnussen; cela faisait depuis Hockenheim 2019 que les deux Haas n'avait pas terminé dans les points.

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